La reconnaissance d’un Etat palestinien est un marqueur dans la politique française au Moyen Orient

18.04.2025 - Éditorial

La déclaration faite par le chef de l’Etat, lors de son retour d’une importante visite en Egypte, sur le fait « qu’on doit aller vers une reconnaissance d’un Etat palestinien » est une annonce très significative, marquant une clarification bienvenue de la position française sur un sujet majeur de l’actualité au Moyen-Orient.

En effet notre politique dans la région apparaissait pour beaucoup peu lisible et souffrant de tergiversations : au Liban avec un soutien peu compréhensible à la candidature de M. Frangié avant d’agir efficacement en faveur de l’élection du président Joseph Aoun ; sur la question israélo-palestinienne avec la proposition bizarre d’une « coalition contre le Hamas » suivie de l’annonce d’un embargo sur les livraisons d’armes à Israël.

L’annonce faite d’une reconnaissance de l’Etat palestinien dans la perspective de la conférence internationale en juin à New York sur la solution à deux Etats – à l’initiative conjointe de la France et de l’Arabie Saoudite – clarifie donc la position française et a été bien accueillie dans le monde arabe et par la communauté internationale.

En effet, elle est d’abord logique avec notre engagement en faveur d’une solution à deux Etats. Elle constitue ensuite un message clair sur la nécessité de trouver enfin une solution durable et équitable à la question palestinienne, sans quoi l’absence de règlement restera un cancer débouchant sur de futurs actes terroristes déstabilisant la région. Elle est enfin dans l’intérêt à terme d’Israël, car l’option d’un seul Etat juif dont la moitié de la population ne le serait pas est un non-sens.

Naturellement l’établissement d’un Etat palestinien implique plusieurs choses difficiles à mettre en œuvre :

  • La constitution d’une Autorité palestinienne crédible pour gérer Gaza et la Cisjordanie et négocier avec Israël les contours d’un accord. Cela serait grandement facilité par la libération de Nael Barghouti, la figure la plus fédératrice pour la population palestinienne.
  • La fourniture de garanties de sécurité à Israël, en s’assurant notamment que l’autorité palestinienne aurait le monopole de l’usage de la force, ce qui implique le désarmement de mouvements comme le Hamas ou le Jihad islamique.
  • La reconnaissance par les Etats arabes qui ne l’ont pas fait de l’Etat d’Israël, à la condition naturellement que la création de l’Etat de Palestine soit acceptée par Israël et mise en œuvre.
  • Une assistance internationale pour consolider cet Etat, étant entendu que les pays du Golfe – qui en ont les moyens – ne s’engageront que dans le contexte d’une solution équitable pour les Palestiniens, c’est-à-dire de la création effective d’un Etat viable.

Or, aujourd’hui le gouvernement de M. Netanyahou exclut un tel schéma, poursuit la colonisation accélérée de la Cisjordanie et soutient la proposition du président Trump de transformer Gaza en « Riviera du Moyen-Orient », ce qui implique un transfert de sa population dans les pays voisins. Beaucoup dépendra donc de la politique qu’adoptera le président Trump, qui est le seul à pouvoir faire pression sur Israël pour abandonner son intransigeance actuelle.

De ce fait, l’Arabie Saoudite sera amenée à jouer un rôle majeur car – pour se dégager militairement partiellement du Moyen-Orient – le président américain souhaite créer une coalition entre Israël et les pays du Golfe pour contenir l’influence iranienne. Or cela implique une reconnaissance d’Israël par l’Arabie Saoudite, ce qui est donc la priorité affirmée du président Trump dans la région. Mais le prince héritier saoudien – futur « Gardien des Lieux Saints » de l’Islam – exige désormais, après les massacres de Gaza, que toute reconnaissance par Riyad d’Israël se fasse dans le contexte de la création d’un Etat palestinien. Il faut donc s’attendre à une négociation serrée entre Trump et MBS sur cette question.

Il est donc important que la France appuie les efforts saoudiens dans le cadre de la conférence sur la solution à deux Etats proposée conjointement en juin à New York par Riyad et Paris. L’annonce faite récemment par le président de la République clarifiant la position française sur l’Etat de Palestine est donc importante et bienvenue, dans l’espoir qu’elle contribuera à faire avancer les choses sur un dossier très délicat qui empoisonne le Moyen-Orient depuis des décennies.

Bertrand Besancenot
Bertrand Besancenot est Senior Advisor au sein d’ESL Rivington. Il a passé la majorité de sa carrière au Moyen-Orient en tant que diplomate français. Il est notamment nommé Ambassadeur de France au Qatar en 1998, puis Ambassadeur de France en Arabie Saoudite en 2007. En février 2017, il devient conseiller diplomatique de l’Etat puis, après l’élection d’Emmanuel Macron en tant que Président de la République, Émissaire du gouvernement du fait de ses connaissances du Moyen-Orient.