Après une première rencontre « positive » le 12 avril en Oman, une deuxième réunion entre MM. Witkoff et Araghtchi a eu lieu à Rome le samedi 19 avril . La partie iranienne a parlé d’une « atmosphère constructive » et de « progrès », à savoir une « meilleure compréhension des principes et objectifs » d’une négociation. Il a été décidé que des experts se réuniraient en Oman pour discuter des détails d’un accord possible et que les deux négociateurs en chef se retrouveraient en Oman le 26 avril. Que peut-on en attendre ?
On sait que le président Trump se considère comme un « maître des deals », même si jusqu’à présent il n’a guère obtenu les succès annoncés, ni dans la guerre en Ukraine ni dans le conflit à Gaza, pas plus qu’il n’a obtenu la dénucléarisation de la Corée du Nord au cours de son premier mandat. Toutefois, il n’est pas partisan de la guerre, il souhaite un désengagement militaire partiel des Etats-Unis au Moyen Orient et il est favorable à une négociation avec l’Iran pour obtenir un « meilleur deal » que l’accord nucléaire de 2015 (JCPOA). Pour y parvenir, il table sur la faiblesse actuelle de l’Iran, du fait d’une situation économique désastreuse, d’un renforcement de l’opposition intérieure, de l’affaiblissement de ses « proxies » (en particulier le Hamas et le Hezbollah), de la chute de son allié syrien Bachar el Assad et de la destruction par Israël de sa défense aérienne.
Mais le président américain n’exclut pas – en cas d’échec de la négociation – l’option militaire, en appui à une opération israélienne contre les installations nucléaires iraniennes, que souhaite Netanyahou. Il a d’ailleurs prescrit un délai de deux mois pour parvenir à un accord.
Il est vrai qu’il y a urgence car depuis 2018 – date du retrait américain du JCPOA – l’Iran est devenu un Etat du seuil et que l’accord de 2015 expire en octobre, rendant possible le « snapback », c’est-à-dire le rétablissement des sanctions internationales envers l’Iran.
Au départ, le président Trump exigeait un « démantèlement total » du programme nucléaire iranien, un encadrement strict de ses capacités balistiques et la fin des activités déstabilisatrices de l’Iran et de ses affidés au Moyen Orient. Après les premiers échanges entre MM. Witkoff et Araghtchi, la partie américaine serait toutefois apparemment prête à accepter un enrichissement de l’uranium iranien à 3,67 %, ce qui est précisément le taux admis dans l’accord de 2015 (considéré pourtant par Trump comme « le pire accord jamais négocié » …), même si Witkoff a ensuite redit que tout enrichissement devait être arrêté. La question des capacités balistiques et du rôle des « proxies de Téhéran » n’a pas non plus été évoquée publiquement .
En réalité, tout le monde sait qu’on ne peut pas annuler le savoir nucléaire de l’Iran, ni convaincre le régime de renoncer à son programme. Les précédents libyen, irakien et ukrainien sont là pour montrer qu’un tel abandon n’a pas constitué une garantie de sécurité pour ces pays ! Les Gardiens de la Révolution ont d’ailleurs rappelé que les capacités militaires et de défense étaient des « lignes rouges ».
En revanche Téhéran peut faire des concessions sur une diminution du taux d’enrichissement – aujourd’hui à 60 % – pour éviter le retour des sanctions européennes et une intervention militaire israélo-américaine. Il le peut d’autant plus que dans la négociation Araghtchi – expert du nucléaire – a en face de lui Witkoff , qui est ignorant du dossier. L’Iran peut aussi s’engager sur une modération de ses affidés dans la région, qui sont de toute façon très affaiblis après les frappes israéliennes…
Trump aura cependant besoin de Moscou comme médiateur avec Téhéran pour régler la question à moindre frais, par exemple en abritant l’uranium fortement enrichi iranien. En effet, la levée éventuelle des sanctions sur l’exportation de pétrole iranien permettrait de faire baisser le cours du brut, qui est un des objectifs majeurs du président américain pour lutter contre l’inflation aux Etats-Unis. Mais ceci n’est a priori pas dans l’intérêt de Poutine, qui a besoin au contraire d’une remontée des prix du pétrole pour financer sa guerre en Ukraine. Il y a donc là les éléments d’un deal, qui expliquent sans doute en partie la complaisance de Trump envers Moscou dans l’affaire ukrainienne.
La difficulté principale pour le président américain réside cependant dans la volonté de Netanyahou de détruire les sites nucléaires iraniens pour « finir le travail » avec la menace principale pesant sur la sécurité d’Israël. Mais il ne peut pas le faire sans l’aide des Etats-Unis. Pour le moment il n’a donc pas d’autre choix que de laisser Trump négocier avec l’Iran, tout en pensant que les Américains ne parviendront pas à obtenir un meilleur accord que celui de 2015 – ce qui serait un échec politique pour Trump. Dans ce cas, l’option militaire devrait être reconsidérée.
En somme, la reprise des pourparlers américano-iraniens ne peut qu’être bien accueillie si elle permet d’éviter une confrontation militaire, qui aurait un impact très négatif sur l’ensemble de la région. Les Européens, les Russes, les pays du Golfe et les Chinois peuvent aider à trouver un règlement, même si cela ne leur est pas proposé à ce stade.
Il y a apparemment entre Américains et Iraniens un accord de principe pour explorer la voie diplomatique et traiter en premier la question nucléaire. Mais les positions de départ sont encore très éloignées :
- L’Iran n’acceptera pas un démantèlement complet de son programme nucléaire ni des contraintes strictes sur ses capacités balistiques . Sa marge de manœuvre se limite donc à abaisser le taux d’enrichissement de son uranium et à s’engager à calmer ses affidés dans la région.
- Netanyahou pourra-t-il se contenter d’un tel accord ? Cela lui poserait un problème politique intérieur avec ses alliés au sein du gouvernement.
- Beaucoup dépendra donc de la capacité de Trump à imposer aux uns et aux autres des compromis difficiles ; mais là personne ne peut être assuré de la position qu’adoptera le président américain…
Il y a donc en résumé beaucoup d’incertitudes encore sur le processus engagé en Oman .