Guerre des tarifs douaniers : un véritable séisme sur les marchés financiers internationaux

25.04.2025 - Éditorial

Début avril 2025, dans l’objectif de réduire leur déficit commercial et d’augmenter leurs recettes fiscales, la nouvelle administration américaine a déclenché une vague de surtaxes sur les importations de produits en provenance de plus de 60 pays. Partie d’une nouvelle politique de l’administration Trump à caractère plus large visant également une baisse du dollar américain et la reprise de l’achat d’obligations américaines par les investisseurs internationaux pour réduire la charge de la dette américaine.

Cette « guerre tarifaire » a visé plus fortement certains pays, d’abord le Canada et le Mexique, puis rapidement la Chine, mais également l’Europe, et certains secteurs considérés comme stratégiques, tels l’acier, l’automobile, les biens de consommation, les technologies et le textile.

Plus précisément, le Président Trump a annoncé dans un premier temps des tarifs douaniers d’un minimum de 10% sur toutes les importations, entrés en vigueur le 5 avril, portés à partir du 9 avril à plus de 30% pour le Canada, le Mexique, 25% pour les pays d’Europe ; et jusqu’à 75% pour la Chine, rehaussés à 125% après le refus de celle-ci de négocier.

Mais cette politique brutale et universelle, opérée qui plus est par à-coups, a provoqué un véritable séisme sur les marchés financiers internationaux et notamment un impact très négatif sur le taux des emprunts américains, comme sur le taux de change du dollar ; d’où un recul spectaculaire du Président Trump, dès le 9 avril au soir, avec l’annonce d’une suspension des nouveaux tarifs pour 90 jours et d’un retour provisoire aux tarifs de 10% minimum pour laisser faire la négociation avec les pays prêts à engager des discussions, à l’exception de la Chine, répliquant aussitôt par une mesure de même niveau visant à geler les importations américaines.

Cette déclaration de guerre tarifaire a, en effet, entraîné un chaos total sur les marchés financiers internationaux, avec d’abord une baisse spectaculaire des actions américaines, notamment des valeurs de technologie, évidemment frappées par un renchérissement de leurs importations de composants à haute valeur ajoutée, comme par un ralentissement de leurs exportations ; début avril, l’indice Nasdaq des valeurs technologiques US avait enregistré une baisse de 20% depuis la mi-février, avec une baisse de 11% dans les seuls deux jours qui ont suivi les annonces du 2 avril. L’indice Philadelphia des semi-conducteurs a enregistré une baisse de 22% depuis le début de l’année, tandis que l’indice plus large S&P 500 des valeurs américaines a perdu 14% sur le mois d’avril.

Les actions européennes, pour leur part, ont enregistré une très grande volatilité, avec au début de l’année une augmentation de leurs cours (+12%), y compris pour des raisons de faible valorisation des entreprises comparées aux valeurs US, puis une baisse de 8% au moment de l’annonce des hausses tarifaires, notamment sur les secteurs les plus exposés (automobile, biens de consommation, luxe, textile…), avant un léger rebond avec l’annonce du gel des 90 jours. Le CAC 40, notamment, a enregistré une baisse prévisionnelle de plus de 13% pour le mois d’avril.

A noter que la seule hausse minimum de 10% des tarifs douaniers US, celle-ci déjà concrétisée depuis début avril, venant d’une moyenne de 2,5% dans la période précédente, signifie d’ores et déjà un surcoût non négligeable pour les entreprises européennes, avec les conséquences que cela implique sur les prévisions de croissance et les perspectives d’évolution des marchés financiers.

De leur côté, les marchés de taux, notamment des titres d’État américains, ont connu une tension brutale, suite à une perte de confiance sur la qualité de la dette américaine, due aux allers et retours de la politique de l’administration Trump, et très probablement à une vente importante de titres de dette américains par la Chine, première détentrice de ceux-ci. En une semaine, entre le 7 et le 11 avril, les taux du TBond américain à dix ans sont passés de 4 à 4,5%, avec un pic à 4,6% en fin de semaine, une envolée inédite depuis le début des années 2000. Tandis que le dollar US enregistrait un recul de plus de 8% depuis le début de l’année par rapport à ses équivalents en devises internationales, y compris l’euro.

S’en sont suivies des tensions énormes pour les investisseurs internationaux, d’abord sur les marchés actions, pour ceux notamment – et ils étaient nombreux – largement exposés aux valeurs américaines. Comme pour les investisseurs en produits de taux, confrontés à la hausse des taux sur les titres US, alors que la perception générale au début de l’année était une baisse progressive des taux des Banques Centrales, dans un contexte où l’inflation devenait plus faible et la croissance ralentissait. En faisant renaître la perspective d’une inflation plus forte, la hausse des tarifs douaniers lancée par les Etats-Unis a forcé la Fed américaine à retarder ses baisses de taux.

Au total, cette guerre tarifaire lancée par l’administration Trump s’est traduite par un quasi-krach financier international, avec des pertes importantes enregistrées par nombre d’investisseurs, y compris en Europe, notamment ceux les plus investis en valeurs américaines. A l’exception de certains fonds, comme le fonds Réflex de Dom Finance, conçu précisément pour réagir à ce type de crise financière, et donc majoritairement investi en taux, avant d’opérer des achats immédiats d’actions au moment des premières baisses enregistrées, progressivement revendues au moment de leur rebond graduel. Ce Fonds a, d’ores et déjà, enregistré une performance positive sur l’ensemble de la période.

A noter que, comme dans toute crise financière, il y a à court-terme des gagnants et des perdants. Outre ceux – rares – qui ont ainsi pu effectuer de nouveaux investissements en actions à la baisse, les banques d’investissement au sens large, et notamment les banques américaines, mais très certainement également les banques françaises et européennes, ont enregistré des résultats records à la fin de ce premier trimestre, cela est lié à l’accroissement important de la volatilité des marchés de la croissance qui a résulté de leurs activités de trading.

La perspective pour les prochains mois reste celle d’une tension grandissante dans les relations internationales, avec notamment la Chine décidée à rendre coup pour coup aux annonces américaines, et donc des conséquences qui vont s’aggraver encore pour les échanges internationaux comme pour les marchés financiers. Dans ce contexte, la question pour l’Europe est de confirmer si oui ou non la négociation avec les Etats-Unis peut véritablement permettre d’aboutir à un résultat satisfaisant, faute de quoi une réponse vigoureuse s’imposera. Un plan de mesures est à l’étude, avec un renforcement des taxes sur les secteurs technologiques, les services internet et les services financiers, qui constituent la partie la plus importante du déficit de l’Europe avec les Etats-Unis.

Dès aujourd’hui, cette nouvelle politique américaine brutale et erratique renforce la perception de l’Europe comme pôle de stabilité dans l’économie mondiale, comme du statut de monnaie de réserve internationale de l’euro.

Arnaud de Bresson
Arnaud de Bresson est diplômé de l’IEP de Paris et de l’Université Paris 1 et titulaire d’une maîtrise de sciences économiques à l'Université Paris X. Arnaud de Bresson a mené une longue carrière dans le milieu des finances. Il a été directeur général de Paris Europlace, l'organisme chargé de promouvoir la place financière de Paris, depuis sa création en 1993 jusqu'en décembre 2022. Il est membre du conseil d’administration de l’Institut du Capitalisme Responsable (ICR) et l’Institut de Gestion Déléguée (IGD). Il est Senior Advisor de l'Institut de la Finance Durable (IFD) lancé par Paris Europlace en janvier 2023, de Finance Innovation, le Cluster Paris Financial start-ups, créé par Paris Europlace en 2008 pour accompagner le développement de la Fintech en France, et de l'Institut Louis Bachelier (ILB), qui promeut la recherche en finance en organisant des initiatives conjointes entre professionnels et académiques. Il rejoint ESL Rivington en tant que Senior Advisor en juillet 2023.